Dans un rapport publié le 5 juillet (à consulter sur le site : https://www.defenseurdesdroits.fr), la Défenseure des Droits, Claire HÉDON, évalue l’évolution de la dématérialisation des services publics et s’inquiète de la fracture numérique, particulièrement chez les publics les plus fragiles, personnes en situation de précarité et personnes âgées.
« Une personne sur cinq n’a pas d’ordinateur ni de tablette chez elle, et un jeune sur quatre dit avoir du mal à faire des démarches en ligne« .
Le rapport souligne que la dématérialisation des services publics – qui est souvent accompagnée de la fermeture de guichets ou de la réduction de l’accueil physique – aggrave certaines situations de vulnérabilité ; l’accès aux droits étant forcément plus complexe pour celles et ceux qui n’ont pas de dispositions pour se conformer aux attentes des administrations.
Aujourd’hui l’usager.e est désigné.e comme un « coproducteur » de ses droits. On attend d’elle, de lui, de « comprendre les enjeux de la démarche, le langage administratif, ne pas commettre d’erreur au risque de se retrouver en situation de non-accès à ses droits« . Cela revient à lui confier certaines tâches qui relevaient auparavant des missions des agent.es.
Comme le souligne la Défenseure des droits, c’est une partie de la logique même de service public qui s’inverse : c’est à l’usager de s’adapter à la transformation numérique du service public.
On a pu observer « un report systémique sur l’usager de tâches et de coûts qui pesaient auparavant sur l’administration. On demande progressivement à l’usager d’assumer la responsabilité de se former, de se faire aider, de s’équiper. On assiste alors au renversement d’un des trois principes du service public, l’adaptabilité, qui devient une qualité attendue de l’usager pour qu’il puisse accéder à ses droits, plutôt qu’une exigence incombant aux services publics eux-mêmes.«
À l’incompréhension, au manque d’aide et d’interlocuteurs, s’ajoute pour l’usager confronté à une tâche complexe la crainte d’une sanction. Avec comme conséquence l’abandon des démarches, qualifié dans le rapport de « non-recours« .
Effets sur le public mais aussi sur celle et celui qui est en lien direct avec ces personnes en difficultés, comme le proche, l’aidant sur qui pèsent déjà d’autres tâches déléguées, ou encore le travailleur social, qui se voit récupérer la charge administrative.
L’accès égal de tous et toutes aux services publics est un droit inaliénable qui doit être garanti. Les contraintes techniques ne peuvent en aucun cas l’entraver. Il est impératif que ce droit soit garanti par une diversité d’accès, la mise en place d’un fonctionnement et d’outils complémentaires qui garantissent à chaque personne un diagnostic de ses droits en la matière.
Parmi les recommandations avancées par la Défenseure des droits pour permettre un accès de tous aux services publics, Claire HÉDON formule les propositions suivantes :
● Garantir plusieurs modalités d’accès effectif aux services publics afin qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée.
● Instaurer une procédure permettant à l’usager de signaler une difficulté à effectuer une démarche.
● Donner aux agent.es informé.es de cette difficulté les prérogatives suffisantes pour la lever.
● Donner la possibilité à l’usager.e de revenir à tout moment sur son consentement aux échanges dématérialisés de manière définitive ou temporaire.
