Notre récente publication sur la dénutrition en EHPAD a suscité des réactions chez les chirurgiens-dentistes du CASVP. Ils alertent sur un facteur encore trop souvent sous-estimé : la santé bucco-dentaire. Quel que soit l’apport nutritionnel des repas, « une cavité buccale en mauvais état compromet inévitablement le processus alimentaire ».
Un lien avéré entre santé bucco-dentaire et nutrition
Selon certaines études, près de 60 % des résidents en EHPAD souffrent d’une santé bucco-dentaire dégradée, ce qui réduit leur capacité à s’alimenter correctement.
Douleurs, mastication difficile et prothèses inadaptées limitent alors le choix alimentaire, favorisant les aliments mous, souvent moins nutritifs, et augmentant ainsi le risque de dénutrition.
D’autres recherches précisent l’ampleur de cet impact :
En 2019, une étude menée en France a démontré que la mauvaise santé bucco-dentaire accroît les risques de dénutrition, de fragilité et de complications médicales.
Une revue scientifique souligne que les personnes âgées dénutries présentent souvent une dentition altérée et des lésions des tissus mous (langue enflammée, lèvres sèches ou fissurées).
Une étude en EHPAD a révélé que 43,8 % des résidents souffrent d’une mauvaise santé bucco-dentaire, souvent associée à une dégradation cognitive et une perte d’autonomie.
Une recherche de 2020 identifie la mauvaise santé bucco-dentaire comme un facteur prédictif de malnutrition et de sarcopénie (diminution des capacités musculaires) sévère chez les personnes âgées.
Des actions déjà engagées dans les EHPAD du CASVP
L’ensemble des EHPAD du CASVP ont mis en place plusieurs initiatives pour améliorer la prise en charge de la santé bucco-dentaire :
- Bilans bucco-dentaires systématiques à l’entrée pour détecter d’éventuels problèmes,
- Suivi régulier et actions de soins adaptées, en lien avec des partenaires extérieurs,
- Protocoles d’hygiène bucco-dentaire individualisés,
- Mise en place de référents bucco-dentaires,
- Sessions de formation à l’hygiène bucco-dentaire proposées aux agents des EHPAD,
- Une collaboration avec les nutritionnistes et responsables de restauration est envisagée, mais reste à développer.
Si ces mesures portent leurs fruits, des freins persistent : faute de temps et de moyens adaptés, l’hygiène bucco-dentaire reste difficile à intégrer pleinement aux soins quotidiens.
Un accompagnement renforcé et des formations adaptées pourraient aider les équipes à surmonter ces difficultés et à mieux structurer ces pratiques.
Un enjeu à mieux intégrer dans la prise en charge globale
Un état bucco-dentaire dégradé altère le goût et réduit le plaisir alimentaire, ce qui mène à une alimentation appauvrie. Non traitées, les infections bucco-dentaires aggravent aussi certaines pathologies chroniques (cardiaques, respiratoires, métaboliques).
Quels leviers d’action ?
Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) insistent sur une approche globale :
• Renforcer le suivi bucco-dentaire des résidents en EHPAD, avec dépistage et soins adaptés,
• Faciliter l’accès aux soins dentaires en établissement, notamment par des consultations régulières,
• Former les équipes soignantes,
• Adapter les repas aux capacités masticatoires pour éviter les restrictions alimentaires inutiles.
Si certaines initiatives existent, une prise en charge plus systématique est indispensable pour garantir des repas adaptés et prévenir durablement la dénutrition en EHPAD. L’organisation des repas, leur qualité et le suivi des résidents doivent être pleinement intégrés à la prévention.
