Alors qu’un rapport parlementaire accablant dénonce les manquements de l’Aide sociale à l’enfance, les députés réclament une réforme majeure. À Paris, la Ville prépare un remaniement important du traitement des informations préoccupantes (IP) concernant les mineurs.
Petit rappel : Une IP est un signalement destiné à prévenir les risques pesant sur un ou plusieurs enfants – santé, sécurité, moralité, développement affectif, physique ou social. Elle peut conduire à des mesures de protection, préventives ou réparatrices.
À Paris, tout part d’un constat partagé par l’administration :
- une hausse continue du nombre d’évaluations depuis 10 ans ;
- une croissance parallèle des IP transmises aux services municipaux (SSP, SSS, PSA…) ;
- des délais d’évaluation qui s’allongent ;
- un manque de coordination entre la CRIP et les territoires ;
- une faiblesse du travail pluridisciplinaire (notamment dans les équipes ASE)
- une difficulté à mobiliser les réponses adaptées en protection de l’enfance ;
- et, en conséquence, une rupture de continuité entre le temps de l’évaluation et celui de la réponse effective.
En résumé : charge de travail en forte hausse, centralisme excessif, manque de compétences croisées, qualité des évaluations fragilisée, réponse institutionnelle insuffisante aux besoins fondamentaux des enfants.
L’UNSA pose alors une question simple : qu’a fait la Direction pour prévenir la perte d’attractivité des métiers de la protection de l’enfance ?
Hormis la création tardive d’une prime – en réponse à une crise ouverte l’an dernier dans le secteur 6-14, totalement dépeuplé de professionnels –, rien ou presque.
Et maintenant ?
La solution proposée : décentraliser la référence du suivi des IP.
Les secteurs ASE deviendraient référents, tout en maintenant un rôle pour les autres services (EPS, SSS…).
Des référents « spécialisés » seraient désignés, la pluridisciplinarité renforcée, la parole de l’enfant mieux prise en compte, et un appui accru sur l’environnement familial envisagé. L’intention est affichée.
Mais de nombreuses zones d’ombre subsistent :
- Qui assurera la référence à l’ASE ?
- Qui – et selon quels critères – sera désigné référent dans les autres services ?
- Avec quelle formation, quels moyens ?
- Pourquoi un calendrier aussi resserré (2026), alors que les équipes sont déjà en grande difficulté ?
- Le recours aux ressources familiales est-il un réel levier ou le symptôme d’une perte de capacité institutionnelle ?
L’UNSA interroge aussi le sens de cette réforme :
Cette « décentralisation » ne prépare-t-elle pas, à terme, le retour en gestion directe de toutes les IP par la SDPPE, au sein de l’ASE ?
Le temps de recruter ?
Le temps de transférer les agents « spécialisés » issus des autres services ?
Quelles conséquences pour les EPS et le SSS ?
Une expérimentation est déjà annoncée sur certains secteurs. Mais à quel prix ?
L’UNSA dit non aux réponses court-termistes, bricolées sur le dos des agents. Les enfants ont droit à un accompagnement digne, les professionnels à des moyens réels. Le dialogue social doit redevenir un levier pour un service public digne de ce nom.
