La question nous a été posée récemment : un agent peut-il faire valoir son droit de retrait si l’administration ne suit pas les préconisations de la médecine de prévention ? Dans un arrêt du 21 mars 2025 (n°470052), le Conseil d’État répond sans ambiguïté : non.
Ce que dit la décision
Le Conseil d’État rappelle que le droit de retrait suppose un danger grave et imminent, c’est-à-dire une menace immédiate pour la santé ou la vie de l’agent.
Le simple fait que l’administration ne mette pas en œuvre les aménagements recommandés par la médecine de prévention ne suffit pas, en soi, à établir un tel danger.
Un agent ne peut donc pas se retirer de son poste sur cette seule base, sauf à démontrer un danger concret et immédiat.
Ce que ça implique
Cette décision vient resserrer l’interprétation du droit de retrait, et fragilise la position des agents dont les conditions de travail ne sont pas adaptées, y compris lorsque cette inadaptation est formellement constatée par la médecine de prévention.
En creux, c’est un signal peu rassurant : il ne suffit plus d’un avis médical pour suspendre une situation à risque. Il faudrait attendre que le danger se matérialise ? Que l’état de santé s’aggrave ?
Ce raisonnement est à contre-courant des principes même de la prévention, qui impose d’intervenir en amont du risque, et non une fois le mal fait.
Cette jurisprudence ne remet pas en cause les obligations de l’administration.
Elle demeure responsable de la mise en œuvre effective des préconisations médicales.
À défaut, elle expose l’agent à une souffrance inutile et engage sa propre responsabilité.
En cas de difficulté, les agents peuvent :
- alerter leur encadrant par écrit ;
- demander une relance par la médecine de prévention ;
- saisir la Formation Spécialisée en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (FSSSCT) via les représentants du personnel ;
- et, en dernier recours, déclencher une procédure de DGI.
Refuser d’aménager un poste, c’est refuser de prévenir.
Et refuser de prévenir, c’est s’exposer à devoir réparer.
Au CASVP, nous le constatons souvent : des préconisations de la médecine de prévention ignorées ou laissées sans suite, des agents maintenus sur des postes inadaptés, des suivis trop tardifs ou inexistants. Nous intervenons régulièrement dans ces situations. Les avis médicaux ne doivent pas être banalisés : ils appellent des décisions rapides, des mesures concrètes, et un réel accompagnement de l’agent. À défaut, c’est toute la chaîne de prévention qui vacille.
